Le fabuleux trésor perdu de l’atoll de Pinaki
Abstract
En 1914 puis en 1920, la conviction qu’un mystérieux trésor était enfoui dans l’un des atolls de l’archipel polynésien des Tuamotu fut assez forte pour motiver l’organisation d’expéditions au départ de Tahiti. Au cœur de l’entreprise, Charles-Edouard Howe, sujet britannique, passé par l’Australie qui assurait avoir recueilli les dernières volontés d’un aventurier impliqué dans le détournement de l’or et autres biens précieux de religieux sud-américains vers 1850 à la faveur du conflit qui opposait le Pérou au Chili. Il jouait ainsi sur les lieux communs traditionnels de l’imaginaire de la piraterie (les richesses enterrées, la carte qui en marque l’emplacement) consacré par le succès de L’île au trésor de Robert-Louis Stevenson (roman publié en 1883). Ses dires tenaient aussi aux fantasmes typiques des îles du Pacifique sud (un ailleurs absolu de l’Europe où l’on peut échapper aux règles et aux lois comme avaient pu le faire, en 1789, les mutins du Bounty). Mobilisant capitaux, énergies et passions, les tentatives pour retrouver ce trésor s’avérèrent vaines et toute l’histoire fut qualifiée d’escroquerie. À l’appui de la presse contemporaine, des fonds de l’administration coloniale et du témoignage des acteurs et des observateurs, il s’agit évidemment d’étudier, d’une part, les processus de manipulation qui lui conféraient crédibilité et attractivité ; mais il importe, d’autre part, de considérer en quoi c’est un révélateur de l’état de la société et de l’administration dans le cadre des Établissements français d’Océanie (EFO) dont relèvent les archipels de la Polynésie (aujourd’hui Polynésie française). Le but étant de comprendre finalement pourquoi en 1953 encore, il a été question de repartir à la recherche du « trésor de Pinaki ».